La loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique confirme l’évolution et la montée en compétence de la sécurité privée observée depuis le début de la décennie. L’armement des agents de sécurité sous certaines conditions intervient sur fond de désillusion des militaires participant à l’opération Sentinelle, de manque d’effectif dans les rangs de la police et de menaces terroristes permanentes. L’idée d’une coopération entre sécurité publique et privée est de plus en plus remise sur le devant de la scène. Une volonté qui n’est pas partagé par l’ensemble des protagonistes de la sécurité publique et qui se heurte à une réglementation floue.

Sentinelle, contrôle radar…

La coproduction de sécurité publique/privée fut mise en avant durant l’organisation de l’Euro 2016. Une réussite qui devrait en amener d’autres. Depuis la mise en place du CNAPS, la sécurité privée s’est grandement professionnalisée et peut aujourd’hui mettre ses compétences à disposition des forces de l’ordre. Prochainement, des agents de sécurité pourront être amenés à sillonner les routes françaises au volant de voitures radar. Bien sûr, ils ne pourront pas verbaliser et le véhicule sera adapté à recevoir un civil. L’agent sera uniquement chargé de conduire le véhicule selon un itinéraire défini. Une expérimentation est actuellement en cours en Normandie. Cette nouvelle mission devrait permettre de libérer du temps de travail pour 400 représentants des forces de l’ordre, mais également d’amortir le coût d’acquisition de la flotte de véhicules, bien trop peu utilisée aujourd’hui.

D’autres missions pourraient également être externalisées prochainement. L’opération militaire Sentinelle en fait partie. Cette dernière recueille désarroi, désenchantement et incompréhension dans les rangs de l’armée. Afin d’alléger la mission des forces armées, l’idée de confier une partie à des entreprises de sécurité privée mûrie. Le recentrage récent de Sentinelle sur des prestations plus mobiles pourrait ouvrir la voie au recours à la sécurité privé pour la sécurisation de sites et d’une partie de l’espace public. D’autant plus que la nouvelle norme NF 18788 permettra d’encadrer le champ d’actions des entreprises intervenantes. La conjoncture actuelle pourrait consolider la coopération sécurité privée / publique…

Des missions critiquées

Si l’externalisation partielle de Sentinelle ne devrait pas voir le jour immédiatement, elle soulève néanmoins un point intéressant : le recours aux agents de sécurité privée sur la voie publique. Ces derniers, en dehors d’une dérogation exceptionnelle (exemple : marché de Noël), ne sont pas autorisés à exercer sur la voie publique. Pour permettre aux entreprises privées d’exécuter ce genre de mission, la loi devra être révisée. Le législateur devra trouver la juste limite dans le périmètre d’action des agents. L’objectif de la coproduction de sécurité est de soutenir les forces de l’ordre non pas de les remplacer.

La législation n’est pas l’unique obstacle pour la coproduction de sécurité. Les entreprises de sécurité privées devront prouver leurs efficiences dans les tâches confiées. Aujourd’hui, certains policiers et gendarmes doutent de l’utilité même de l’externalisation des contrôles radar. Ils estiment que la présence des prestataires privés pourrait impacter négativement leur travail : moins d’arrestations  immédiates en cas d’infractions importantes constatées, connaissance moindre des zones accidentogènes..

Les forces de l’ordre ne sont pas les seules à être dubitatives sur le sujet. Les associations civiles s’interrogent sur les motivations réelles de l’Etat dans l’externalisation de certaines missions. Elles craignent de voir l’intérêt général relégué au second plan, derrière le profit. Les prestataires de sécurité privée devront donc être à même de justifier leurs utilités publiques auprès des citoyens.